Marion Plumet
Cela fait plus de 10 ans maintenant que je travaille sur les rapports de domination sexistes et les violences qui en résultent. Victime d’un viol à l’adolescence au sein du milieu familial, cet événement est le point de départ de ma pratique artistique actuelle.
À l’époque, j’ai eu la chance de pouvoir parler, d’être soutenue, d’avoir les ressources nécessaires pour porter plainte et trouver un avocat qui me défende. La procédure fut longue, elle dura un peu plus de 10 ans et s’acheva par un procès duquel je suis sortie victorieuse. Victorieuse et surtout victime. Pas menteuse. Pas aguicheuse. Pas salope. Victime. Et ce n’est qu’à partir de ce jour où la société m’a désignée ainsi, victime, qu’enfin, j’ai pu commencer à ne plus en être une. Durant ces 10 années de procédure, j’étais loin de penser que les violences masculines étaient chose commune. Pour moi, il s’agissait d’un fait divers, d’un truc qui n’arrivait jamais, sauf à moi, d’un drame intime en somme. Puis, à la fin de ce procès, j’ai commencé à regarder autour...
J’ai vite appris qu’une personne de mon entourage avait vécu « la même chose ». Je n’étais plus la seule, nous étions même très nombreuses... Et ça m’a révoltée. Ça m’a révoltée comme ça n’avait jamais été le cas pour ma propre situation. Nous étions en 2012, la vague #MeToo n’était pas encore passée par là, à l’époque, les violences sexistes et sexuelles n’étaient pas des sujets. J’ai alors organisé une « campagne-expo contre le viol » en invitant des artistes à s’emparer de cette question. C’était un pas de géant dans ma reconstruction et mon premier pas dans le militantisme. Puis très vite, j’ai décidé d’installer mon atelier d’artiste au sein d’une Maison de Femmes.
Ce lieu était avant tout un accueil de jour pour les femmes victimes de violences. En plus d’y exercer mon travail d’artiste, j’y étais bénévole. J’y accueillais et accompagnais de nombreuses femmes, de tout âge, de tout milieu et de toute origine, toutes, victimes de violences masculines. Avec le temps, je suis passée par plusieurs associations jusqu’à en co-monter une à l’endroit ou je vis, dans les Monts d’Arrée, l’Âmarrée. Avec elle, nous sommes plusieurs bénévoles à accueillir et à accompagner des femmes.
Voilà donc plus de 10 ans que ma pratique militante est totalement liée à ma pratique artistique. Ensemble, elles se nourrissent et prennent corps.
Les récits de vie et ce qui les construisent sont ma matière première, ma matière à penser, ma matière à créer. Je m’approprie les objets de la domination masculine, j’explore sa pensée, je fais miens ses outils. Toutes ces choses qui nous entourent et qui nous construisent, soit en tant que femme, soit en tant qu’homme. Porno mainstream, forums de discussions mascu, magazines dits féminins, jouets, idée du couple, de la familles... Ces pensées et ces objets je les transcende et les incarne dans la matière — dessins, collages, installations, sculptures, performances, photographies, vidéos... — pour en faire ressortir l’essence, le fil qui les lie... La misogynie. La domination masculine. Le système patriarcal.